dimanche, février 12, 2006

Des briques et du fric

Corruption à la Régie des bâtiments : le premier propriétaire du pays est-il suffisamment contrôlé ? Décryptage

L'affaire n'est pas anodine. D'ailleurs, la chambre du conseil de Bruxelles a déci­dé, le 3 février, de mainte­nir en prison, pour une du­rée d'un mois, les trois fonctionnaires de la Régie des bâtiments, dont le direc­teur général Hans Evenepoel. A 64 ans, ce proche du CD&V, pourtant étiqueté SPA, est soupçonné d'avoir favorisé des entrepreneurs privés pour l'octroi de marchés publics, dans le cadre de tra­vaux d'entretien ou de construction. En contrepartie, lui et ses acolytes auraient bénéficié de largesses : argent liquide, voyages d'agrément à l'étranger et tra­vaux gratuits pour leur compte privé. Si certains des corrupteurs sont passés aux aveux, les fonctionnaires corrom­pus, eux, nient tout en bloc.
Les deux premières sociétés dans le collimateur de la justice sont deux en­treprises appartenant à une même fa­mille. La Barco-Construct, à Alost, est spécialisée dans la construction et la B&P-Electro, à Ninove, dans les travaux d'électricité. La justice reproche no­tamment à Evenepoel de ne pas avoir réglé diverses factures privées pour la construction d'une maison à Dender­leeuw. Les « échanges de cadeaux » ont été révélés par un correspondant ano­nyme auprès des parquets de Bruxelles et de Termonde. Pour Evenepoel, ces dénonciations sont le fait de voisins qui, agacés par les travaux de Dender­leeuw, ont voulu se venger. Un cinquiè­me entrepreneur, provenant de Zele, vient d'être appréhendé. D'autres per­quisitions, voire arrestations, sont at­tendues dans les prochaines semaines. A ce stade du dossier, le montant de la corruption est impossible à estimer.
Une question évidente se pose dans ce contexte : la Régie des bâtiments est-elle suffisamment contrôlée ? Avec les 1 177 bâtiments qu'il détient pour le compte de l'Etat fédéral, soit un patri­moine de 3,4 milliards d'euros, cet orga­nisme parastatal est considéré comme le premier propriétaire de Belgique. Outre la gestion des biens immobiliers de l'Etat fédéral (ministères, palais de justice, pri­sons, musées, bâtiments historiques comme la Monnaie ou la cathédrale Saints-Michel-et-Gudule...), la Régie agit également comme maitre d'ouvrage pour l'entretien ou la réfection des bâti­ments publics et la construction de nou­veaux édifices, soit un budget de 153 millions d'euros en 2005. Une cassette énorme qui tente les fraudeurs...
Arrangements
Il existe en principe de nombreux garde-fous légaux pour empêcher la corruption. « En cas d'adjudication, c'est-à-dire quand le marché est attri­bué, après publicité, à l'entrepreneur le moins cher, les offres sont envoyées sous pli scellé et les prix proposés par les candidats sont proclamés lors d'une séance publique », rappelle Patrick Thiel, avocat chez CMS De Backer. En cas d'appel d'offres, l'attribution du marché ne se fait pas seulement en fonction du prix mais aussi de la quali­té de l'entrepreneur et des délais qu'il propose. Même si la procédure est, ici aussi, entièrement publique, le choix, bien que motivé, s'avère moins lim­pide. En effet, si les offres sont plus
Ironie du sort : l'undes fonctionnairesde la Regie, inculpe,est le conservateurresponsabledu palais de justicede Bruxelles.ou moins équi­valentes, on peut facilement faire pencher la balan­ce d'un côté ou de l'autre. Enfin, autre cas : si le
montant estimé du marché ne dépasse par 67 000 euros, le pouvoir adjudica­teur n'est pas obligé de publier un avis de marché et peut contacter librement quelques entrepreneurs de son choix -au
au moins trois - qu'il mettra en concur­rence. Il paraît plus simple de tricher lors de cette « procédure négociée sans publicité ». Evidemment, dans le sec­teur de la construction, les chantiers dépassent facilement 67 000 euros. Mais, avec un peu d'astuce, il est tou­jours possible de saucissonner de gros marchés pour éviter qu'il y ait un appel d'offres. De plus, il n'est pas exclu que certains entrepreneurs s'arrangent préalablement pour se répartir les marchés, avant de remettre leurs devis.
Outre les services financier et juri­dique internes, le principal contrôleur de la Régie des bâtiments est la Cour des comptes qui possède un bureau au sein du parastatal. Il s'agit d'un contrô­le a posteriori, c'est-à-dire une fois que la dépense a été effectuée. Autre contrôleur : l'inspecteur des finances, délégué par le ministère du Budget pour une période de trois ans et qui siège aussi à la Régie.11doit donner son aval pour une série d'actes, entre autres pour les marchés conclus en procédure négociée au-delà d'un montant de 30 000 euros. Faut-il renforcer ces contrôles ? La réforme structurelle de la Régie des bâtiments, annoncée par son ministre de tutelle Didier Reynders (MR), devra nécessairement répondre à cette question.


Ironie du sort : l'un des fonctionnaires de la Regie, inculpe, est le conservateur responsable du palais de justice de Bruxelles

Thierry Dessau

La Flandre est autorisée à vendre des armes et la Wallonie en est interdite par les flamingants !

Les armes à sous-munitions

Sa Majesté le roi Albert II vient d'attirer l'attention des plus hautes au­torités de ce pays quant aux consé­quences néfastes d'un certain sépara­tisme rampant. Mais n'est-il pas trop tard? N'en prenons pour preuve que les derniers développements concer­nant la vente d'armes, sujet particuliè­rement apprécié de certains du nord du pays. Il est donc fort probable que le Parlement adopte une loi interdisant la fabrication (ou, à tout le moins, le com­merce) de toutes les armes contenant des sous-munitions, sous prétexte que celles-ci feraient plus de victimes civiles que militaires. Ce n'est pas faux. Par contre, à ma connaissance, au­cun parlementaire ne s'est ému de l'envoi, par une firme flamande, de matériel susceptible de permettre à l'Iran de fabriquer une bombe ato­mique, et ce avec la complicité du patron (flamand) de la Sûreté de l'Etat. Celui-ci, semble-t-il, n'aurait pas démissionné pour cette raison mais bien pour son opposition à la centralisation de toutes les informa­tions des services de police et de ren­seignement, y compris la Sûreté de l'Etat. Faut-il alors croire que la bombe atomique est éthiquement meilleure que les armes à sous-mu­nitions ou, plus simplement, que la notion d'éthique est différente sui­vant qu'elle s'adresse à des entre­prises wallonnes qui, il est vrai, fa­briquent des armes et des munitions ou à des entreprises flamandes qui, elles, fabriquent des composants et du matériel militaire?

Jacques Pirmolin, Liège