samedi, décembre 15, 2007

Sois francophone et tais-toi !

L'ÉDITORIAL DE DOROTHÉE KLEIN

Savez-vous comment on appelle aussi la RTBF ? Radio Mille Collines », a confié Yves Leterme (CD&V), samedi dernier, aux quotidiens flamands Het Belang van Limburg et Gazet van Antwerpen. En faisant cette allusion à la radio qui attisa la haine raciale lors du génocide rwandais, en 1994, celui qui a doublement échoué à former l'orange bleue a ruiné tous ses efforts pour restaurer son image auprès des francophones. Le dérapage est indécent. Il est heureux qu'il ait été condamné tant au sud qu'au nord du pays.

Il n'en reste pas moins vrai qu'en Flandre une partie du monde politique, médiatique et scientifique en a profité pour régler ses comptes avec la presse francophone. La RTBF ne serait pas la seule à « avoir un agenda caché », à « faire de la propagande » et à être « tendancieuse ». Le Soir et Le Vif/L'Express, entre autres, seraient aussi coupables. Ils auraient eu le tort, d'une part, de trop donner la parole à Joëlle Milquet (CDH) et à Olivier Maingain (FDF) et, d'autre part, de diaboliser Yves Leterme et Bart De Wever (N-VA). Comme si les quotidiens flamands n'en faisaient pas de même, mais en sens inverse, critiquant sévèrement les premiers et interviewant abondamment les seconds. Mais sans doute faut-il mettre ce faux procès sur le compte de susceptibilités à fleur de peau, après six mois de négociations à couteaux tirés.

Car on croit rêver. Cela voudrait-il dire que seuls les journalistes néerlandophones sont autorisés à tremper leur plume dans le vitriol ? Les éditorialistes flamands ne sont-ils pas la terreur de bien des éminences francophones ? André Flahaut (PS), le personnage vraisemblablement le plus honni de Flandre, n'en fait-il pas les frais depuis qu'il est ministre de la Défense ? Le Palais n'essuie-t-il pas les critiques les plus virulentes de la Flandre parce que l'influence francophone y serait trop importante ? Les illustrations du magazine Humo sur le sujet ne sont-elles pas décapantes ? On ne voudrait pas jeter la pierre à nos confrères néerlandophones. Ils cultivent une tradition d'irrévérence et c'est très bien ainsi. Mais peut-être sont-ils moins prompts à la critique quand la Flandre est mise en cause. Le problème viendrait peut-être de là : comme si, dans ce pays, on pouvait rire de tout, sauf du combat flamand pour plus d'autonomie.

En effet, voici un an, le 13 décembre 2006, la RTBF a fait croire aux francophones que les Flamands venaient de déclarer leur indépendance. Bye-bye Belgium, c'était pour du faux. Juste pour ramener les francophones à la réalité d'un Etat fédéral comprenant une Flandre de plus en plus nationaliste. Cela s'apparentait au pamphlet. Comme le ton impertinent de Jean-Claude Defossé à Questions à la Une et de Christophe Deborsu au JT. Ou de son collègue Baudouin Remy, par ailleurs auteur du spectacle satirique de cette fin d'année, Sois belge et tais-toi. Aujourd'hui, les néerlandophones vivent mal cet humour, ce style décalé, plus mordant et plus incisif de la presse francophone. Mais ne leur en déplaise : au Sud comme au Nord, le rôle des journa-listes est d'informer, en mettant les pieds dans le plat, s'il le faut. Cela est très sain dans une démocratie. •

Leterme n'aime pas la RTBF.
Le problème vient de là : comme si, dans ce pays, on pouvait critiquer tout, sauf la Flandre

LEVIF/L2EXPRESS 14/12/2007 6 5

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